« On peut rire de tout, j’en suis la preuve » : Jérémy Ferrari se confie avant la dernière de son spectacle

07/03/2024

Jérémy Ferrari est de ces humoristes qui font autant rire que grincer des dents. Un rôle de méchant survolté qui est à l’exact opposé de sa personnalité charmante. « Les gens savent que j’interprète des personnages quand je dis des horreurs sur scène », lance le comédien.


C’est grâce à cette personnalité qu’il peut tout se permettre sur scène. « J’ai beaucoup entendu, notamment à mes débuts que mes propos étaient trop clivants, trop durs, alors qu’on nous ramène tout le temps à Coluche, qui avait un humour au moins aussi noir que le mien. Moi je suis sûr qu’on peut rire de tout. D’ailleurs, j’en suis la preuve concrète », nous explique-t-il.

« J’ai failli me tuer alors que je ne voulais pas mourir »

Dans son dernier spectacle, l’humoriste s’est attaqué au système de santé français, un vaste sujet dont il épingle tous les défauts. Un spectacle qu’il a lancé juste avant la pandémie de Covid-19, qui a fait s’interrompre sa tournée pendant près de deux ans, à cause des restrictions sanitaires.

Une ironie qui le fait sourire. « Je tombe à chaque fois pile dans l’actualité, plaisante Jérémy Ferrari. Mon précédent spectacle “ Vends 2 pièces à Beyrouth ”, sur le terrorisme et l’islamisme est sorti juste avant les attentats du Bataclan. »

Si aujourd’hui le comédien peut aborder tous les sujets sur scène, cela n’a pas été le cas au début de sa carrière, qu’il a commencé très jeune. Une vocation qui remonte à l’adolescence, encouragée par sa professeur de théâtre.

Dix ans de galères

Dès ses 16 ans il commence à écrire ses sketchs et il se produit sur scène dès l’âge de 17 ans, « avec certains de mes sketchs et quelques reprises », se souvient-il. Seul à Paris alors qu’il est à peine majeur, l’humoriste fait face à la dure réalité des salles vides, et des petits boulots, pour payer la salle.

Une vie difficile qu’il a connue pendant presque dix ans, avant d’exploser grâce à son passage dans l’émission On ne demande qu’à en rire. « J’avais 25 ans et rien n’avançait pour moi. C’était peut-être ma dernière chance. J’ai eu la chance que Laurent Ruquier ne me censure jamais. » Dès lors, les salles se remplissent. « Je suis passé de jouer devant quatre personnes à plus de 2.000 en trois semaines », raconte Jérémy Ferrari.

Un grand saut qui ne se fera pas sans heurts. En parallèle de son succès grandissant, le comédien sombre peu à peu dans l’alcoolisme. Une addiction qui a failli lui coûté la vie. « Un soir, pour m’amuser, j’étais prêt à sauter de la fenêtre. J’ai alors pris conscience que j’avais failli me tuer alors que je n’avais pas envie de mourir. »

Cette tentative de suicide agit comme un déclic qui le force à se reprendre en main. « Un spécialiste a enfin pu poser un diagnostic sur mon cas. Ça m’a beaucoup soulagé. Je suis alors entré en cure de désintoxication. Depuis je ne touche plus à une goutte d’alcool car je tombe vite dans la dépendance. »

Confronté à la réalité du système de soin

Cette cure lui a aussi permis de se confronter à la dure réalité du système médical français et qui l’a poussé à choisir cette thématique pour son spectacle Anesthésie générale, dont la dernière, dimanche, est diffusée en direct dans plus de 300 salles de cinéma à 17 h. « Je suis parti de ma propre expérience et j’ai ensuite fait des recherches et récolté de nombreux témoignages pendant plus d’un an avant de me lancer dans l’écriture », explique-t-il.

Un spectacle qu’il a enrichi à la suite de l’épidémie de Covid-19. « Il fallait absolument que j’actualise mes sketchs. Au final, ça m’a rajouté une heure de plus et le spectacle dure environ 3 heures. Je me suis dit que j’allais raccourcir au fil des mois mais j’ai tout gardé. Et je crois que ça fait plaisir au public, qui se dit qu’il en a pour son argent ».

Mais un spectacle si long est aussi éprouvant, surtout pendant 200 dates. « Je ne le referai plus », sourit le comédien, qui multiplie les projets. « Je suis en train d’écrire les sketchs du prochain gala des duos impossibles, qui aura lieu en mai prochain. »


J’ai toujours dit à Guillaume que je ferai des vannes sur lui quand il sera mort et ça l’a fait marrer. J’espère qu’il rigolera bien de là où il est.
Jérémy Ferrari

Un événement qui fête ses dix ans et durant lequel Jérémy Ferrari va rendre hommage à son ami Guillaume Bats, mort en juin dernier. Un deuil que le comédien a affronté par le travail. « C’est moi qui ai retrouvé le corps. Le lendemain matin j’étais à ma séance d’écriture. C’était ma manière de continuer. Avec tout ce que Guillaume a traversé pour se produire sur scène, je ne peux pas me permettre de me plaindre. »

Mais ne comptez pas sur lui pour un hommage larmoyant. « Je vais faire des vannes. On parlait souvent de ça avec Guillaume et je lui ai toujours dit que je ferai des vannes quand il ne sera plus là et ça l’a toujours fait marrer. J’espère qu’il se marrera d’où il est », sourit l’humoriste.

L’écologie au cœur de son prochain spectacle en solo

Ces sketchs se feront avec Arnaud Tsamere et Baptiste Lecaplain, qui coprésenteront le gala et avec qui Jérémy Ferrari prépare une tournée pour le début de l’année 2025. « Nous avons écrit environ 20 minutes. Ce qui est intéressant, c’est l’interaction entre l’univers absurde d’Arnaud, mon humour noir à l’opposé et la tempérance de l’humour d’observation de Baptiste, qui se situe entre nos deux personnages », confie-t-il.

En parallèle, Jérémy Ferrari va commencer ses recherches sur son prochain spectacle. « Je vais parler du thème de l’écologie. J’ai failli le faire plus tôt mais suis finalement parti sur la santé. Cette fois-ci, c’est la bonne. Ce sera pour 2026 normalement », promet l’artiste.

Entre-temps, le comédien sera aussi à l’affiche de plusieurs films. Une nouveauté pour lui, qui s’est longtemps refusé au cinéma. « Je ne voulais pas faire des films juste pour faire des films. En tant qu’humoriste on nous cantonne seulement à des rôles comiques dans des comédies. Je voulais faire des films qui me plaisent. »

Il sera à l’affiche le 1er mai de Roqya, avec Golshifteh Farahani. Un film d’horreur de Saïd Belktibia, une sorte « de chasse aux sorcières moderne, sur fond de maraboutisme en cité ». Un rôle à contre-emploi pour lui, avant un prochain film taillé sur mesure. « On va bientôt commencer le tournage du film que j’ai écrit. » Le début d’une nouvelle aventure pour le comédien qui veut « explorer tous les moyens d’expression du métier ».


Pour République.fr