«À l'école, je me sentais jugé»

20/02/2016

Après le succès de son one-man-show «Hallelujah bordel!», Jérémy Ferrari, 30 ans, s'arrête cette semaine à Lausanne et à Genève avec «Vends 2 pièces à Beyrouth». Des dates déjà complètes. Que les fans se rassurent: il revient en février 2017. En attendant, le chantre de l'humour noir a répondu à notre questionnaire avec une grande sincérité.


Jérémy Ferrari, qui êtes-vous?

(Très long silence). Je suis d'abord un artiste. Ensuite, la vie a fait que je suis allé vers l'humour. Peut-être que si j'avais grandi dans un autre milieu, j'aurais fait de la musique ou de la peinture. Je suis un créateur, en tout cas.

Votre premier souvenir?

Quand j'étais petit, ma mère adorait me raconter des trucs absurdes. J'aimais beaucoup le film «Pouic-Pouic», avec le petit poulet. Ma mère avait acheté une ardoise et pendant le film, elle dessine Pouic-Pouic avec un camion qui lui arrivait dessus et écrivait: «Il est mort suite à un accident de camion, il n'avait pas regardé en traversant la route». Moi je reprends l'ardoise, j'efface et je dessine Pouic-Pouic qui ouvre une bouche d'égout pour se sauver. 

Etiez-vous un enfant sage ?

J'étais très rebelle, je refusais l'école mais je n'étais pas turbulent. Si on me laissait tranquille, il n'y avait pas de problème. J'étais caractériel, un peu bagarreur, mais je n'ai pas mal tourné. J'étais respectueux avec mes parents. Je pouvais devenir impertinent si on me titillait trop.

De quoi aviez-vous peur?

De l'école! J'avais beaucoup de mal à m'intégrer, mais pour le coup c'est moi qui me suis exclu tout seul. Je suis devenu adulte trop vite. Je n‘étais pas à l'aise avec les ados. À l'école, je me sentais jugé, enfermé. Mes parents le savaient et c'est pour ça qu'ils m'ont laissé arrêter. J'étais trop malheureux.

Dans l'enfance, quel fut votre plus grand choc?

Au magasin de mes parents, un mec venait souvent demander des déchets au boucher pour son chien. Un jour, j'ai demandé à ma mère pourquoi on ne voyait jamais son chien. Elle m'a dit qu'il n'en avait pas. Un autre jour, un gars a attrapé un emballage de pain toast et il a mordu dedans avec le plastique tellement il avait faim. Je devais avoir 10 ans et c'est ça qui a creusé ma sensibilité. Dans les quartiers populaires, il y a des choses très belles comme la solidarité, le courage, l'acceptation de l'autre, mais aussi des trucs marquants, comme ces deux histoires.

Votre mère vous disait-elle «Je t'aime»?

On est assez pudiques dans la famille. Quand j'étais petit, elle me le montrait. Elle me l'a dit plus tard. Moi, j'arrive à le lui dire par SMS.

Que vouliez-vous devenir?

J'ai furtivement voulu être vétérinaire. Plus tard, il a fallu faire piquer mon chien et là, je me suis dit que je ne pourrais jamais faire ça à un animal. J'ai très vite voulu devenir comédien. Avec mes parents, on regardait beaucoup les sketchs de Pierre Palmade. Cela me fascinait, ce gars qui parlait avec des personnages imaginaires qu'on avait l'impression de voir. Je trouvais que c'était un don incroyable et j'ai commencé à écrire des sketchs. «Le prêtre pédophile», dans le spectacle «Hallelujah bordel!», je l'ai écrit à 14 ans. Ensuite, je l'ai amélioré, c'est vrai.

Quelle est votre méthode d'écriture?

Comme j'écris pour moi, pour d'autres, pour le cinéma, pour la télévision, pour la radio et pour le «one man», je n'ai plus le loisir d'attendre que l'inspiration me vienne. J'écris toute la journée tout le temps (Rires).

Comment avez-vous gagné votre premier argent?

En étant déménageur. Les mecs s'en foutaient vraiment du mobilie. Je n'ai fait que la charge du camion mais je me demandais dans quel état les meubles allaient se retrouver au déchargement.

L'amour pour la première fois. C'était quand et avec qui?

J'avais 16 ans, avec ma première petite copine. C'était très chouette, j'étais très amoureux.

C'est quoi, le vrai bonheur?

La scène, vraiment! Il n'y a que là où je me sens totalement bien. Quand j'ai arrêté la scène pendant un an et demi, cela a été la pire période de ma vie. Sur scène, je n'ai plus aucun démon, plus aucun complexe, plus aucune peur. Cela me touche parce que ce que je fais, c'est spécial et d'avoir un succès populaire avec ça me donne envie de chialer. C'est vraiment ma vie ce métier. Si demain cela s'arrête, je ne me vois rien faire d'autre.

La plus belle de vos qualités?

(Long silence). Je suis quelqu'un de vrai, avec ce que cela comporte comme défauts.

Votre plus grand regret?

Peut-être que j'aurais dû me cultiver plus tôt. Je suis un autodidacte. Arrêter l'école m'a fait gagner du temps sur autre chose. Au moins, je n'ai pas été manipulé par l'Education nationale. Mais peut-être que jeune, j'aurais dû lire plus.

Avez-vous déjà volé?

Non. Je suis fils de commerçant. Avec mon père, on courait après les voleurs, donc je n'allais pas faire ça.

Avez-vous déjà tué?

Non, mais j'ai sauvé trois personnes de la noyade. Sauf qu'avec le dernier, en faisant du canyoning, j'ai failli mourir parce qu'il m'a laissé dans l'eau. Je suis parti dans les rapides. Heureusement, j'ai pu m'accrocher à un rocher.

Si vous aviez le permis de tuer quelqu'un, qui serait-ce?

Personne.

Déjà payé pour l'amour?

Non. Et si oui, je ne vous l'aurais pas dit.

Déjà menti à la personne qui partage votre vie?

Pas sur les choses graves.

Avec qui aimeriez-vous passer une agréable soirée?

Jean Reno. J'aimerais le rencontrer. Avec Vincent Cassel, il fait partie de ces acteurs, quand ils jouent un rôle, c'est impossible de le reprendre. J'invite n'importe qui à tenter une scène de «Léon», vous allez voir, c'est ridicule.

Qui trouvez-vous sexy?

Vanessa Hessler dans un des «Astérix». Je l'ai trouvée magnifique. 

Vos dernières larmes?

Je pleure quand je trouve que quelque chose est gâché pour rien.

De quoi souffrez-vous ?

D'un grand manque de sommeil.

Croyez-vous en Dieu?

Pas du tout. Et encore moins après avoir étudié les textes.

Votre péché mignon?

Le téléphone, le travail, le sport, le sexe, l'alcool. Je suis accro à tout.

Un film, un livre et un CD à emmener sur une île déserte?

«Le grand bleu», «L'Antéchrist» de Nietzsche. En musique, c'est compliqué car j'écoute de tout. Là, j'adore le dernier Youssoupha.

Combien gagnez-vous?

Je ne vous le dirai pas.
Pensez-vous gagner assez par rapport au travail fourni?
 Oui, c'est trop. C'est pour ça que je fais de la production, que j'ai monté des festivals. Pour essayer de partager. Je connais la valeur de l'argent. Cela doit servir à quelque chose. La première chose que j'ai faite, c'est acheter une maison à mes parents. Ensuite, j'ai engagé un de mes meilleurs amis pour qu'il travaille avec moi. Je vis très bien. Pour moi, il y a plusieurs choses importantes: sortir, bien manger, bien boire, voyager. Là, je ne compte pas. J'ai un bel appartement mais pas de bagnole, de montre ou de fringues chers.

Qui sont vos vrais amis?

La personne qui travaille avec moi, Michaël. On est 17heures par jour ensemble. Je serai bientôt le parrain de son fils. On partage tout. Et deux amis d'enfance, un qui est comme un frère, je suis le parrain de son fils, mais on ne s'entend pas toujours très bien. Et Jean-Rémy, mon meilleur ami d'enfance.

Que souhaitez-vous à vos pires ennemis?

La jalousie.

Qui aimeriez-vous voir répondre à ce questionnaire?

Jean Reno. C'est logique, j'aimerais bien en savoir plus sur lui.


Par Catherine Hürschler pour le matin