“Je suis plus intéressant en tant qu’artiste qu’en tant qu’homme”
Dans le texte qui suit, vous découvrirez un Jérémy Ferrari plus intime. En tout cas plus humain qu’on ne le croit. Un fils aimant et attentionné qui a une revanche à prendre (autant pour lui que pour ses parents), un jeune homme lucide quant à son pouvoir de séduction et, -j’ai eu du mal à le lui faire dire- quelqu’un qui profite enfin de l’argent qu’il a gagné.
Comment avez-vous construit Hallelujah Bordel! ?
Je me suis intéressé à la philosophie : Socrate, Platon, Aristote. Comme Platon faisait énormement de références à la Bible, je me suis dit qu’il fallait commencer par là. J’ai acheté L’Ancien Testament. J’avais une version avec des textes apocryphes, Les Evangiles…Quand j’ai eu fini le livre de 1700 pages on m’a dit : «C’est bien, tu viens de lire la Torah». J’étais soulagé d’avoir lu le livre des Juifs. J’étais très motivé. J’ai lu le Coran. Plus je lisais, plus je trouvais des choses insensées ! Je me disais : «Mais, c’est une blague !». C’était pas possible que personne n’aie jamais amené ça sur scène. L’Arche de Noé, le mec qui sacrifie des animaux ! Si on a les couilles écrasées, on ne peut aller à la messe. J’ai trouvé ça trop drôle ! J’ai fait d’abord un sketch, lu les Evangiles, je me marrais. Puis Le Coran qui dit : «Si tu soupçonnes ta femme d’adultère» (rires)
Même hors de scène, ce passage continue de vous faire rire.
Ça me parle parce qu’à cette période de ma vie j’étais très jaloux. Ma copine de l’époque m’a quitté à cause de ça… «Si tu soupçonnes ta femme d’adultère, frappe-la et relègue-la dans une chambre à part». Je me disais que si je devais la frapper, comme je la soupçonnais du matin au soir, elle aurait été couverte de bleus ! (Rires) Et c’est parti de là. Quand j’en parlais autour de moi, tout le monde me disait : ‘T’es malade ? Amener le Coran sur scène, tu vas te faire buter !»
Pensez-vous justement, comme on l’entend un peu trop souvent, que notre époque est bridée et que les humoristes ne peuvent pas aller aussi loin qu’à l’époque de Coluche, Desproges et même Bedos ?
Ben, vous voyez, j’ai fait ce spectacle justement parce qu’on me disait de ne pas le faire ! Je ne crois pas du tout que l’époque soit plus frileuse et que les gens soient choqués par des propos un peu subversifs. On ne dit pas moins de choses subversives aujourd’hui qu’il y a trente ans. J’ai dit des choses odieuses à la télé qui sont très bien passées devant 2 millions de téléspectateurs dans la quotidienne et 4 millions lors des primes. J’ai présenté un sketch dans lequel je défends Hitler en jouant l’avocat de John Galliano. Ça passe parce que les gens comprennent l’intention de départ et que ça les fait marrer.
Sur scène, vous dites avoir consulté d’éminents spécialistes des religions catholique, juive et musulmane. Qui sont-ils ? Ont-il validé votre votre texte ?
Je ne les citerai pas parce qu’ils ne veulent pas pour certains; pour d’autres, j’ai oublié leurs noms. J’ai interrogé une femme qui a écrit sur les faux libéraux de l’Islam, une spécialiste du monde arabe et musulman qui avait déglingué Tariq Ramadan. Je suis allé voir des rabbins, des imams, des prêtres. Certains contacts n’ont voulu communiquer que par mail comme ceux de la Mosquée de Paris. Je me suis renseigné sur les études et traductions que j’avais choisies. J’ai contacté des copains juifs, musulmans, resollicité les religieux pour des conseils et pour une relecture. J’ai vérifié si tous les passages choisis étaient vrais. J’ai dû lire la Bible pendant neuf mois et le Coran, pendant six mois…mais j’ai mené toutes ces études en même temps.
Et que vous ont répondu les personnes sollicitées ?
Ça m’fait marrer ! En fait, les religieux ne veulent pas qu’on lise les livres. Ils vous disent que c’est très compliqué. Et qu’on ne peut pas lire parce qu’on ne peut pas comprendre.A part les paraboles des Evangiles avec Jésus, le reste est assez simple. Après, on vous dira : «Attention ! Certains termes ne veulent pas dire la même chose !». Oui, «connaître sa femme» c’est coucher avec elle, on a compris ! Mais «reléguer votre femme dans une chambre à part et frappez-la !»… il n’y a pas de métaphore ! (Rires).
Extraire des passages du Coran vous a t-il valu des menaces ?
Oui. Ils n’étaient pas très contents mais franchement j’en ai eu très peu par rapport aux propos que je tiens. J’ai eu quelques altercations avec quelques crétins qui n’avaient lu ni Le Coran ni La Bible ni La Torah. Ils m’avaient vu à la télé et ils ont eu envie de jouer les racailles avec moi. Après, j’ai eu pas mal de lettres de gens qui n’étaient pas d’accord avec moi, des menaces par mail et quelques altercations.
Ce qui vous a donné l’idée de proposer sur votre site deux options : les insultes/ les compliments.
(Rires) Oui, c’est magique d’avoir à cliquer pour insulter quelqu’un. Ce qui est marrant c’est qu’à la télé, j’ai fait des sketches sur les camps de concentration, les enfants handicapés…j’ai fait des trucs très très chauds, je n’ai pratiquement jamais reçu un mail disant vous êtes allé trop loin.
Parce que c’est une question d’écriture, de formulation. C’est la différence avec la blague de radio qui tombe mal parce qu’elle sort de nulle part (Ndlr : Cauet avait fait un malheureux parallèle il y a une quinzaine d’années entre le camp d’Auschwitz et des maisons de campagne). Dans un précédent entretien vous me disiez qu’écrire était votre point fort. On vous sollicite beaucoup comme auteur ?
Ouais.
Au point que ça devienne difficile de choisir ?
Non.
Idéalement pour qui aimeriez-vous écrire ?
J’aime bien écrire pour les femmes parce que je m’entends bien avec elles. Mieux d’ailleurs qu’avec les hommes. (Ndlr: silence). Il y a des comédiennes que j’aime beaucoup. Je n’sais pas… Je suis très copain avec Chantal Ladesou qui est excellente sur scène. C’est le genre de personnalité pour qui j’aimerais écrire. C’est des machines de guerre sur scène. On ne comprend pas ce qu’elle dit, on est mort de rire ! Chantal Ladesou, c’est une vraie rencontre. Ça me flatterait qu’on m’appelle. Là, pour le moment j’écris pour des gens en développement comme moi, Constance, Guillaume Bats.
Vous avez été le vainqueur de la première édition d’On ne demande qu’à en rire, ce qui vous a valu d’avoir votre propre émission le ONDAR Show. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?
En fait, ça ne me récompensait pas moi mais les dix meilleurs d’On ne demande qu’à en rire à qui on a confié une émission l’après-midi. (Ndlr : long silence). Je ne suis pas triste que ça se soit arrêté. On n’est pas une troupe. On ne le sera jamais. On n’a pas la même admiration mutuelle chacun pour le travail des autres. Mais on nous a demandé de travailler ensemble. Je ne voyais pas de raison de refuser d’autant qu’on me donnait le poste de directeur d’écriture qui était très compliqué à tenir parce qu’il n’était pas assumé complètement. J’étais directeur d’écriture et en même temps il fallait que je fasse attention à l’ego de chacun. C’était très compliqué. Pour moi, dans le travail, on ne doit pas avoir dego !Si on doit dire à un mec : «Excuse-moi, je pense que ta vanne pourrait être mieux…»
Mais est-ce que vous n’êtes pas un peu difficile ?
(Long silence). J’ai un milliard de défauts.
Vous n’en revenez tellement pas de bien gagner votre vie que vous répétez qu’à une époque vous n’aviez que 800 € par mois.
J’avais même moins que ça ! Quand je suis venu à Paris, mes parents m’ont aidé un peu. Ils avaient mis de l’argent de côté au cas où je ferais des études. On a pris un appart de 30 m2 à Noisy-Le-Sec (Ndlr : banlieue située en Seine-Saint-Denis). On a acheté un clic-clac, une télé, une table basse, un bureau et une gazinière. Très vite mes parents ont eu des grosses difficultés financières et n’ont plus pu m’aider. Donc je me suis démerdé très rapidement. J’ai vendu des chemises, j’ai été groom comme dans Spirou, j’ai bossé chez Orange, j’ai bossé dans la sécurité et la surveillance de parkings, de boîtes de nuit, j’ai donné des cours d’arts martiaux parce que je suis ceinture noire de judo et que j’ai un haut niveau de ju-jitsu. Je n’ai pas toujours mangé à ma faim. À une époque, je mangeais des compotes éclairé à la bougie parce qu’on m’avait coupé l’électricité. Je ne vous dis pas combien de mois de loyer de retard j’avais ! Je mangeais peu, je ne ne m’habillais pas, oui j’ai vraiment traversé de grosses difficultés.
Comment assumez-vous aujourd’hui d’être l’humoriste dont on parle beaucoup, qu’on sollicite, qu’on veut photographier, habiller…Vous aimez ça ?
(Flatté et gêné à la fois). Alors là, ça c’est vraiment les productions et les attachées de presse et tout ! (Ndlr : Il se lève de sa chaise, me montre ses vêtements et adopte le ton de quelqu’un qui se défend). Je porte des vêtements, là…ce jean doit valoir 500 euros, ces chaussures 300… Vous croyez que moi, sincèrement, que je vais acheter 800 euros de fringues dans un magasin ? Jamais de la vie ! On me les a offerts.
On vous les offre d’accord, c’est le système qui veut ça, mais vous n’êtes pas obligé de les porter..
Mais on me les offre et, oui, c’est le système. Il y a un moment où j’ai des photos toutes pourries. (Rires) Mon attachée de presse les voit et demande : «Qu’est-ce que c’est que ces photos ?». Et moi je réponds : «J’sais pas, c’est des photos que j’ai prises» (Rires). Et là on me dit : «On ne peut pas envoyer tes photos de vacances ça à la presse !». Donc on prend une photographe qui m’asseoit sur une chaise et me dit : «Passe la main dans tes cheveux, fais ça…».
Passer la main dans vos cheveux, la photographe n’a pas dû avoir trop de mal à vous le demander (rires) !
Ouais, ouais…Après, c’est du noir et blanc alors tout de suite ça donne un côté plus ceci ou cela. Ce serait moi, je serais en baskets et survêt à 20 euros et j’aurais pris les photos avec un I-Phone.
Et vous pensez encore que je vais vous croire ! Vous avez tout à fait conscience de l’effet que vous produisez.
(Rires) Oui, mais ça c’est comme l’humour noir…oui, j’ai conscience que je suis pas mal. Après, c’est un truc de télé…(silence).
La télé amplifie les choses. Les petits paraissent plus grands, les minces plus enveloppés, les insignifiants peuvent paraître beaux… au point que certains se croient beaucoup mieux qu’ils ne sont. Etre dans la lumière modifie-t-il la perception que vous avez de vous ?
Oui, ça j’en suis un p’tit peu conscient, je suis pas mal. Je ne vais pas jouer les faux modestes. Je m’entretiens, je fais du sport. J’essaie de faire attention. Je pratique toujours les arts martiaux. Je suis ceinture noire de judo et je fais du ju-jitsu. J’ai mon 3ème dan depuis une dizaine d’années. J’ai été prof aussi …ça aide à rester serein.
Vous avez vécu avec moins de 800 euros; combien gagnez-vous aujourd’hui ?
(Rires). Je ne peux pas le dire. Non, c’est horrible, je ne peux pas le dire.
On va la faire autrement. Vous êtes propriétaire de votre appartement ?
Non, je suis passé du 9.3, Noisy-Le-Sec au 9.2 à Levallois. Je vis dans 40 m2 tout pourri, je vis dans des meubles pourris, la gazinière à induction est fendue et marche à moitié, je dors toujours dans un clic-clac…
Ça alors ! 800 euros de fringues sur le dos et un logement pourri, vous êtes un «sapeur» africain !
(Rires) C’est vrai que vous tombez bien puisque je suis en train de changer de vie. Les fringues si on ne me les donne pas, je ne les achète pas. Moi, j’achète des fringues à un prix normal. Quand ça a bien marché pour moi, j’ai mis de l’argent de côté et j’ai demandé des conseils à mon meilleur ami qui est gestionnaire financier. Je mets tout de côté et je me verse un salaire mensuel. Je n’ai pas été surpris par les impôts car j’ai mis de l’argent de côté. Je gère mon argent.
Votre argent mensuel s’élève à combien ?
Je crois que j’ai un train de vie qui va changer parce que je vais déménager mais voilà, on peut dire 2000-3000 euros.
Vous qui avez peur du lendemain est-ce que vous profitez de votre argent ? Est-ce que vous vous faites plaisir ?
Mon argent, j’y fais attention et le mets à l’abri. Je ne veux plus retourner bosser dans la sécurité. Je fais attention à avoir toujours un train de vie en-dessous de ce que je gagne. Je veux avoir un peu de sécurité devant moi. Qu’est-ce que je fais de mon argent ? J’ai pris un bel appartement de 80 m2 à Paris dans le 17ème arrondissement.
C’est un achat ou une location ?
Non, non, je loue car je viens d’acheter une maison à mes parents. Ils ont fait faillite il y a cinq ans et on leur a tout pris : le magasin, la maison dans les Ardennes. Ils ne gagnaient pas beaucoup mais on a vidé leurs comptes et on a voulu prendre leurs meubles…tout! On leur a tout pris et on leur a laissé 600 euros par mois à deux pour vivre. Les patrons ne sont ps protégés en France, alors ils n’ont rien. Là, ils vivent dans une maison qui, selon moi, n’est pas au niveau de personnes qui ont travaillé toute leur vie 80 heures par semaine et qui ont fait vivre des gens pendant vingt ans.
C’est la maison dans laquelle vous avez grandi ?
J’ai grandi en appartement et puis ensuite mes parents ont acheté une maison en banlieue ardennaise. Ils n’en ont profité que quatre ans puisque qu’on la leur a repris. Quand ils ont fait faillite, je ne gagnais rien, j’étais impuissant. Mais je m’étais toujours dit : «Ça a tellement été dur pour eux de se reconstruire, de retrouver du travail. Ça a tellement été difficile. Ils vivent dans une toute petite maison très modeste. Je rachèterai tout ce qu’on nous a pris»
Et alors, vous en êtes où ?
(Grand sourire). Et là, c’est mon premier investissement immobilier : je viens d’acheter une villa dans le sud à mes parents. C’est une région où ils s’étaient installés chez des proches après leurs problèmes. Voilà, j’ai signé le prêt pour lur acheter un jolie villa dans le sud. Et moi, j’emménage dans quinze jours. Vous me rencontrez pile au moment où je commence à profiter de mon argent. J’ai mis trois ans avant d’oser commencer à profiter de ce que j’ai gagné.
Comment profitez-vous de la vie ?
J’adore voyager ! Ça fait partie des choses pour lesquelles il ne faut pas regarder le prix. S’il y a une chose magnifique à faire sur cette terre c’est de voyager, découvrir le monde qui nous entoure.
Où avez-vous eu la chance d’aller ?
Bon, j’ai fait des trucs un peu beauf, un peu nouveau riche comme Les Maldives. J’ai fait un peu des clichés. Je suis aussi allé à Chicago. (Ndlr : souriant et heureux) J’ai fait un truc génial ! Je suis allé à Los Angeles, j’ai loué une Ford Mustang et j’ai fait toute la route jusqu’au Grand Canyon. J’ai visité le Grand Canyon en hélicoptère. A Las Vegas, j’ai loué un grand penthouse avec un pote. Je suis allé en Sicile où j’ai passé quinze jours dans un très bel hôtel. J’avais très envie de voir l’Italie dont je ne parle pas la langue. Mes parents ont subi le racisme anti-italien et ont tout fait pour s’intégrer. On ne parlait donc pas l’italien à ma maison parce que mes parents voulaient être plus français que les Français. Cette année, je vais aller à New York et en Crète. Je profite mais je culpabilise grave dès que je fais un chèque ! C’est pas de la pingrerie.
Vous avez retenu les conseils de Laurent Ruquier: partager, donner, redistribuer…
J’ai du mal à dépenser pour moi. Je n’achète jamais de fringues. C’est pour ça que mes attachées de presse m’habillent ! Mais je dépense sans problème pour ma copine, mes parents ou des amis. J’aime bien dépenser pour eux. Il y a de l’orgueil là-dedans, j’aime être protecteur. J’aime bien ce statut-là de protéger et aider. Ce sont des choses qui me font plaisir à moi.
Vous avez du succès, un peu d’argent, une vie plus facile qu’auparavant, cette nouvelle vie doit attirer pas mal de fans…et de femmes. Comment gérez-vous cela ? Toutes ces filles prêtes à se jeter à vos pieds ?
J’ai été seul à Paris très jeune donc je suis beaucoup sorti. Le coté atypique d’un artiste qui vient des quartiers fait qu’évidemment vous êtes peut-être plus... (Ndlr : il prend le temps de choisir ses mots) attirant entre guillemets qu’un gars en école de commerce qui part avec son sac à dos. Vous paraissez un électron libre un peu atypique. Moi, j’ai déjà vécu avec quatre femmes différentes.
En bon Musulman que vous êtes devenu à force de lire Le Coran !
(Rires). Pas en même temps ! Deux ans, trois ans et deux ans avec une autre. Je n’ai jamais vécu seul. J’ai toujours besoin d’une femme à mes côtés. Entre ces expériences longues, je me suis amusé correctement. Ce qui fait que je ne vis pas ce statut comme un gars qui n’aurait rien vécu avant avec les femmes.
Ça veut dire quoi «s’amuser correctement»?
Ça veut dire que je n’avais pas de problèmes ni de réticences à avoir des aventures d’un soir et que je me suis amusé dans ma jeunesse.
Jeunesse ?
Oui, c’est vrai, j’ai 28 ans !(Rires) Je me suis bien amusé ce qui fait que quand La télévision vous amène plus de nanas, vous le prenez de façon plus sereine. Je pense que quand le succès arrive à un mec qui a eu peu ou pas de nanas, c’est plus compliqué. Pour celui qui a rencontré UNE nana à 14 ans et dont il est très amoureux et à qui le succès arrive quelques années plus tard, clac, ça peut être foudroyant.
Oh lala, la dure vie des stars du football !
C’est exactement ça ! Comme moi je me suis amusé avant, je suis plus serein même si je reste un homme. Avoir de la facilité comme ça n’est jamais facile mais ça se gère comme le reste.
Le reste ?
Ndlr: Jérémy Ferrari se gratte le nez à plusieurs reprises depuis le début de l’entretien. En surface et proprement, évidemment. Voyant que je l’observe en souriant, il dit :
Je n’arrête pas de me gratter le nez. Vous allez croire que je prends de la coke !
Hum, je crois que vous avez plus sûrement croisé un bouleau, un platane ou un cyprès qu’un dealer. C’est une histoire de pollen, de rhinite quelque chose comme ça.
Ah, c’est vrai, putain, j’y avais pas pensé !
Alors, c’est quoi «le reste»?
Je ne me drogue pas, par exemple.
Vous voulez dire «pas encore» !
Oui, pas encore. J’espère que je ne me droguerai pas.
Oh lala, parce que vous n’en n’êtes pas certain ?
Oui, mais je ne dis jamais «Fontaine…». On ne sait pas de quoi la vie est faite ! Je suis quand même un excessif. Je bois une bière, j’en bois quinze ! C’est pour cela que j’ai arrêté de fumer. Ça va depuis un an mais j’étais à deux paquets par jour et ça, je n’y retoucherai plus. Non, ça va à part de temps en temps, un peu trop de fêtes.
Raphaël Mezrahi m’a confié récemment qu’après un spectacle, il était en «descente» et qu’il supportait mal de se retrouver seul dans sa chambre d’hôtel après avoir reçu autant d’amour sur scène. Claudia Tagbo me l’a également confirmé. Eprouvez-vous la même difficulté à vous retrouver face à vous-même après un grand moment de partage avec le public ?
Je connais bien Raphaël, c’est mon co-producteur. Moi je ne le vis pas comme ça. Je sais que c’est le cas de beaucoup de comédiens en tournée mais moi je n’ai pas de descente. En tournée, je suis très bien. Je préfère même être en tournée qu’à Paris. J’adore ça ! Je déprime plus un soir où je suis tout seul à regarder la télévision ou aller au ciné qu’en tournée. Parce qu’en tournée je m’éclate ! Je vais sur scène, ensuite je fais des dédicaces pendant une heure, je dîne au resto avec mon régisseur et l’équipe. On boit un verre de vin, on mange une bonne côte de bœuf. Je rentre à l’hôtel, je passe deux-trois coups de fil, j’écris et je m’endors et tout va bien. Je n’ai pas de descente, quand je descends, je m’endors.
Vous écrivez en ce moment votre film. Pensez-vous le réaliser également ?
Au départ, je ne savais pas qu’on pouvait réaliser sans savoir allumer une caméra. Et puis on m’a expliqué que ça n’était pas obligatoire. Donc, finalement c’est logique. Jécris et j’ai déjà en tête la mise en scène, les lumières, les plans… J’ai rendu la version 1. On est à l’étude, on est en discussion. J’espère tourner l’année prochaine. Les Déconseillers (c’est le titre de travail) est une comédie subversive sur le chômage. Je n’irai pas dans le gore. Quand je parle de comédie noire et sociale, je pense davantage au Père Noël est une ordure qu’à C’est arrivé près de chez vous. Je prépare un livre sur le spectacle Allelujah Bordel !. Je vais reprendre des articles de presse que je commente sur scène, j’ajouterai des illustrations, des extraits du Coran, de la Bible… J’ai trouvé un illustrateur incroayable. Ça va être un grand livre-cadeau
Vous écrivez un film, un livre…Vous développez un business ? A quand le survêtement Jérémy Ferrari ?
Non, tout a un sens. Le livre, c’est logique parce que dans mon étude, il y a plein de choses que je n’ai pas mises. Les gens ont le droit de savoir qu’il y a des Juifs qui pensent qu’il existe des extra-terrerestres antisémites. En plus, ça doit être drôle à illustrer. C’est pas gratos. Ça n’est pas un produit dérivé, c’est quelque chose qui complète le spectacle et développe certains aspects non traités. Celui qui n’aura pas vu Allelujah Bordel !, pourra acheter le livre. Alors oui, il y a un aspect marketing dans le sens où je vais sortir le livre en même temps que le DVD. On fait en sorte que les choses marchent. Alors oui, j’écris un film, j’écris pour d’autres et je monte même ma boîte de prod.
Dans la très longue tournée que vous avez engagée, il y a une date à L’Olympia.
C’était LE rêve ultime ?
Ah oui, quand même ! J’ai une bouteille de Dom Pérignon que je garde et qu’on m’a offerte à 18 ans pour mon anniversaire. Je m’étais promis de l’ouvrir le jour où je ferais L’Olympia. J’ai mis dix ans à réaliser ce rêve. Je l’ouvrirai le 17 mai au soir. (Ndlr : cet entretien a été réalisé fin mars).
Quels sont vos autres rêves ?
Il y a plein de gens qui ne me connaissent pas. Quand je remplis une grande salle en deux ou trois mois, Gad Elmaleh la remplit en deux jours. Il y a de la marge ! Je suis un petit parmi les grands. Pour l’instant je suis un grand parmi les petits. A un moment, il faut devenir un grand parmi les grands. Il faut me souhaiter que ça continue à grandir et de faire de plus en plus de choses en rapport avec cette forme de liberté d’expression que je défends. Ce qui est formidable c’est que la notorité vous apporte la possibilité de faire encore plus de choses. Quand je suis reçu par des grands producteurs de cinéma et qu’ils me demandent ce que je veux faire… c’est irréel ! C’était inimaginable il y a trois ans.
Avec qui rêveriez-vous de tourner ?
Je ne me suis tellement pas projeté, en fait.(Ndlr: silence). J’aime énormément Jean Reno. Il n’a pas fait que des bons films mais ceux qu’il a faits, je ne vois pas qui aurait pu les faire à sa place. Si l’on regarde ce qu’il fait dans Le Grand Bleu, Léon… c’est un formidable acteur. Au Cours Florent, quand on reprenait les scènes de Jean Reno, c’était toujours râté et on était tout juste ridicules ! J’ai vu Léon 45 fois ! Prenez la scène où Reno est dans un resto italien et qu’on lui demande s’il est libre jeudi. J’ai essayé de la faire, c’est ridicule ! Jean Reno a une espèce de ronronnement dans la voix, il a du charisme, une gueule, il est barraqué sans être musclé et ça fonctionne. Son personnage dans le Grand Bleu est formidable !
Oui, Reno est un grand acteur entre les mains de Besson.
J’aimerais qu’un réalisateur ait un coup de cœur pour moi et qu’il m’écrive des choses. Les plus grandes carrières au cinéma sont nées de la rencontre entre un réalisateur et un acteur. J’aimerais qu’on m’appelle un peu.
Vous avez déjà tellement de choses à faire.
Oui mais tous les trucs que je fais, j’en suis l’initiateur. Tout le travail c’est moi qui le construis. Je suis toujours à l’origine du projet
Êtes-vous prêt à être dirigé par un autre que vous-même ? Etes-vous facile à gérer ?
J’en sais rien. C’est peut-être parce que j’ai du mal à trouver des choses bien. On m’a proposé deux-trois choses que j’ai refusées. Et j’ai raison, y a peu de gens qui font des choses bien. Vous dites que vous avez vu 180 spectacles cette année… et qu’il n’y en a pas 10 qui vous ont marquée. Vous pouvez concevoir que j’aie la même réaction au sujet des propositions qu’on peut ou pourra me faire.
Pour conclure cet entretien-fleuve, que pensez-vous de Jérémy Ferrari ?
(Rires). C’est un sale con ! Il vaut mieux être proche de l’artiste que de l’homme. On souffre moins et on rit plus. Je prends plus soin de moi en tant qu’artiste qu’en tant qu’homme. Je suis plus intéressant en tant qu’artiste qu’en tant qu’homme.
Est-ce que vous vous aimez ?
(Silence) J’aime bien l’artiste…oui, j’aime bien l’artiste; l’homme m’indiffère un peu (Rires).