«Je suis un sale gosse»
Jérémy Ferrari est une des têtes d'affiche du festival «Les Fous rires de Toulouse», initié par les Chevaliers du Fiel, du 7 au 19 mars. Ce jeune stand-uper s'impose comme un maître de l'humour noir. Il s'attaque à des terrains minés, comme la guerre, et parvient même à faire rire sur les attentats.
À Toulouse votre spectacle a affiché complet très rapidement. Comment vivez-vous ce succès ?
Je suis très content, j'ai travaillé deux ans sur ce spectacle, j'avais très peur que les gens m'oublient, c'est un vrai soulagement de voir les salles se remplir un peu partout. J'ai toujours peur qu'on ne m'aime pas, au grand dam de mes proches.
Vous êtes un grand anxieux
Oui, je suis totalement angoissé et névrosé, voilà ! Mais je me soigne avec l'humour. D'ailleurs je commence à travailler sur un spectacle qui aura pour thème la santé, les grands lobbys pharmaceutiques, etc. Je vais encore aller fouiller et foutre un peu le bordel.
«Vends 2 pièces à Beyrouth» est un spectacle sur la guerre. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
J'adore aller sur des terrains où les autres ne vont pas et j'aime creuser un sujet à fond. Moi qui ai arrêté l'école en seconde, et qui n'avais absolument aucune notion de géopolitique, j'ai pris des cours avec un prof de la Sorbonne. J'ai étudié 30 ou 40 heures par semaine pendant deux ans pour ce spectacle. J'ai cherché à comprendre pourquoi il y a toujours des guerres, alors que ça tue des millions de gens et que ça rend les populations très malheureuses. Finalement on s'aperçoit que les guerres ça aide les politiques à remonter dans les sondages, voire à se faire réélire, ça enrichit des entreprises, des ONG… Je n'essaie pas de faire la morale mais d'informer. Ce qui m'amuse c'est d'aller chercher ce qu'on ne dit pas aux gens et de le raconter sur scène en riant. J'ai l'impression qu'on nous ment beaucoup, qu'on nous prend souvent pour des idiots.
Vous êtes un peu cynique ?
Je suis plutôt un sale gosse bercé par Pierre Desproges et Coluche. Le point commun entre ces deux êtres que j'admire c'est l'humanité. On sent qu'ils aiment les gens et que toutes les horreurs qu'ils sortent c'est pour les bonnes raisons.
Vous, vous n'avez pas eu peur de faire un sketch sur un pompiste aux prises avec les frères Kouachi juste après la tuerie de Charlie Hebdo…
J'avais ce spectacle sur la guerre où j'avais prévu d'aborder le thème du terrorisme. La réalité m'a rattrapé malheureusement, alors j'ai enfoncé le clou.
C'est vrai que vous avez déjà reçu des menaces de mort ?
Oui c'est arrivé, j'ai reçu quelques mails mais c'est très anecdotique. Je peux vous dire que 99 % des gens que je rencontre, que ce soit dans les salles, les écoles ou les prisons sont très ouverts et ont beaucoup d'autodérision. Après il y a toujours des extrémistes, mais si je peux les emmerder tant mieux.
Votre sortie face à Manuel Valls sur le plateau d'On n'est pas couché a fait beaucoup parler. C'était préparé ?
Pas du tout, bien évidemment. Mais j'ai trouvé tellement absurde, après le massacre au Bataclan, qu'il vienne nous proposer un livre sur ses plus beaux discours ! On ne peut pas marteler qu'on est en guerre et nous vendre un bouquin sur des discours. Pour moi c'était un affront, je me suis permis de le lui dire.
Recueilli par Sylvie Roux pour Ladepeche.fr