Jérémy Ferrari : « Je crois vraiment que je suis un emmerdeur »

11/01/2019

Ce n’est plus les salles de spectacle qu’il remplit mais les couloirs des Fnac. Jérémy Ferrari fera la promotion du dvd de son spectacle Vends 2 pièces à Beyrouth , samedi, à 14 heures, à la Fnac de Saint-Étienne.


Après avoir tourné Vends 2 pièces à Beyrouth pendant deux ans et demi en France et dans les pays francophones, vous sortez le DVD de ce spectacle. Une captation peut-elle vraiment restituer l’atmosphère d’une salle ?

« On n’a pas lésiné sur les moyens, sur les caméras, mes équipes étaient au montage, j’ai réalisé moi-même le film. Il n’y a personne mieux que moi qui peux restituer ce qui se passait sur scène. On est au mieux en termes de réalisme et d’ambiance. On a vraiment l’impression d’être dans la salle avec parfois des gros plans et des intentions de jeu que le spectateur placé loin ne peut même pas capter. »

Vous vous êtes passé d’un éditeur pour produire ce DVD vendu à 9,99 euros. C’est pour en mettre plus dans vos poches et moins dans celles de l’État ?

« Bien sûr. J’aurais pu me passer d’un éditeur et laisser le DVD à 20 euros. Au-delà du fait que l’artiste et l’acheteur gagnent plus, l’État gagne moins. C’est ça qui est génial. Ce n’est pas souvent qu’il est le dernier à prendre de l’argent. »

Savez-vous combien coûte une place de votre spectacle ?

« À mes débuts, je faisais des places à 3 euros et les gens ne les achetaient même pas. Il y a des humoristes qui remplissent autant les salles que moi et qui proposent des billets plus chers, à 80,90 euros, c’est scandaleux. J’essaie de proposer des places à 30-40 euros. C’est difficile de faire moins si on veut offrir un spectacle de qualité, se produire dans des grandes et petites salles, payer correctement mes équipes, mais j’ai conscience que ça reste cher. J’ai été élevé dans un endroit où aller dans un théâtre municipal, c’était exceptionnel. »

Ce dvd contient aussi un documentaire où on vous filme dans votre quotidien. C’est pour vous montrer sous un autre jour ?

« Ce n’était pas ma volonté. Mais lorsque Thierry Colbi m’a approché pour réaliser un documentaire, je ne lui ai pas dit non. Je l’avais rencontré alors qu’il était le programmateur du magazine Parenthèse inattendue sur France2. Il avait été d’une telle bienveillance sur l’émission qu’il avait coupé plein de trucs au montage alors que ça aurait pu servir l’émission. Il m’a suivi pendant un an pour ce documentaire. Je n’ai pas vu les rushs, j’ai visionné le pré-montage et presque rien changé. J’ai du mal à m’aimer et je parais plus sympathique dans ce documentaire. Personnellement, il m’a fait du bien. C’est une manière de montrer autre chose, je ne suis pas le type énervé 24 h/24 qu’on voit sur les plateaux de télé. »

Après le terrorisme, les dérives de certaines ONG, l’armée, vous vous attaquez aux laboratoires pharmaceutiques. Ce sont les reportages d’Elise Lucet qui inspirent vos spectacles ?

« Je partage avec elle le goût d’aller là où les autres ne vont pas. J’ai apprécié de nombreux reportages de son émission. Il y a du scandale partout. Je ne pensais pas trouver autant de choses dans le domaine de la santé. C’est passionnant de chercher le mensonge. Je crois vraiment que je suis un emmerdeur. »

Ce n'est pas léger tout ça ?

« Je ne ferais jamais du léger. Je n’ai pas envie de parler de moi, certains le font très bien. Un paysage humoristique réussi est un paysage éclectique. »

Peu d’humoristes ont surfé sur la colère des Gilets jaunes. Comment l’expliquez-vous ?

« Les chroniqueurs en ont beaucoup parlé. Moi j’ai fait un sketch en Afrique, je suis arrivé sur scène avec cinq Africains portant un gilet jaune et j’ai dit que je lançais le mouvement là-bas. C’est normal que les gens en aient ras le bol. Mon père a dû refuser deux offres d’emploi parce que l’essence était trop chère.

Ce n'était pas rentable pour lui d’aller bosser. On taxe de plus en plus les Français. L’intelligentsia ne se rend pas compte que la plupart des gens a du mal à économiser, à partir en vacances, à acheter des cadeaux pour Noël. Et la seule solution avancée par le gouvernement c’est l’augmentation des impôts.

Les gens ont l’impression de travailler pour rien. Je passe la moitié de mon temps en Afrique, c’est vrai que c’est pire ailleurs, mais ce n’est pas une raison pour ne pas se battre. » 


Par Muriel Catalano pour LeProgres.fr