Jérémy Ferrari : profession humoriste engagé

04/12/2022

Après les religions et la guerre, Jérémy Ferrari s’attaque à notre système de santé dans un nouveau spectacle engagé et recherché, qui va bien au-delà de nos attentes.


C’est au lendemain d’un spectacle de 3 h 30, sans entracte, que nous retrouvons Jérémy Ferrari à son hôtel. Après plus de 150 représentations de son Anesthésie générale, l’humoriste de 37 ans a de quoi être fatigué, tout comme son public qui vit une expérience intense face à lui chaque soir.

 

« Quand on souhaite développer un propos correctement, il faut se donner du temps. Si les gens paient 40 € pour me voir, je veux qu’ils se disent qu’ils n’ont jamais été aussi émus ou qu’ils n’ont jamais autant ri. Je leur donne toute mon énergie, toutes mes tripes pour leur faire passer un moment exceptionnel. Ça ne veut pas dire mieux, mais jamais vu ailleurs », nous dit d’emblée l’artiste qui cherche à être « surprenant, différent et sincère avec les gens ».

Dans un show qui alterne sketchs, échanges avec la salle et stand-up, Jérémy Ferrari

 « secoue émotionnellement le public pendant des heures » pour un résultat qui révèle le conséquent travail de recherche qu’il a fallu faire pour s’attaquer à l’homéopathie, au Covid, à la paupérisation de l’hôpital public ou à l’histoire de la sécurité sociale de façon si précise.

Un long travail de recherche et d’immersion

Il faut dire que pour chacun de ses spectacles, Jérémy Ferrari s’entoure de spécialistes et n’a pas hésité pour celui-ci à passer du temps en immersion dans un service d’urgence hospitalier.

« Je suis un instinctif, poursuit celui qui a arrêté les études très tôt et qui vient d’un quartier modeste de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Pour Anesthésie générale, je me suis simplement demandé : est-ce que l’argent passe avant la santé des gens ? De là, c’est un an et demi de travail. Je rencontre des spécialistes, je lis des articles, je croise mes sources et je passe du temps avec les concernés, ici, les soignants. Je ne fais pas de provoc gratuite. Ce que je dénonce, je l’ai vu, je l’ai vécu. Et ça me permet d’être habité par ce que je raconte », annonce-t-il avec passion.

Grâce à ce travail de recherche et aux documents qu’il laisse en libre accès sur son site et sur scène en fin de spectacle, Jérémy Ferrari obtient la confiance du public, qui vient le voir pour rire et s’instruire. Mais aussi pour partager un moment d’intimité avec celui qui se livre à cœur ouvert. Sans détour et avec une certaine dureté, parfois grossier, l’artiste raconte les moments les plus sombres de sa vie.

Un spectacle aussi intimiste

Que ce soit sa tentative de suicide, son alcoolisme ou les troubles obsessionnels dont il souffre, tout est partagé sur scène. « Après avoir touché le fond il y a quelques années, je me suis soigné. J’ai appris qui j’étais et comment gérer mes problèmes afin de pouvoir en parler. Parce que je sais que ça peut aider certaines personnes qui viendront me voir. Et puis j’ai le plus’beau’des témoignages, en tout cas le plus authentique : le mien ».

En mettant en lumière ses maladies invisibles et son expérience avec les services psychiatriques, Jérémy Ferrari parle du quotidien des Français et véhicule un message fort. « Je voulais rappeler qu’un alcoolique, ce n’est pas spécialement un mec rougeaud accoudé au PMU. Un homme torturé, ce n’est pas un’fou’. Ça peut être un homme comme moi »

L’autre but de ces « confessions » ? « Déstigmatiser la psychiatrie, martèle-t-il. Il faut arrêter de la considérer comme le dernier recours et lui donner les moyens nécessaires. Si on commençait par soigner la tête des gens, on soulagerait beaucoup d’autres maux du corps. À quoi ça sert de donner des antidépresseurs à un homme qui boit 5 litres de rosé par jour si on ne traite pas les raisons de son alcoolisme ? »

Quand on demande à celui qui remplira deux fois l’Accor Arena (Bercy) en 2024 ce qu’on peut lui souhaiter pour la suite, la réponse est simple : « que ça continue. Il y a encore plein de gens qui ne me connaissent pas ! J’ai aussi des films à venir. Plus la radio, les festivals d’humour, mes sociétés de production, etc. » Bref, on n’a pas fini de voir Jérémy Ferrari prendre la température de notre société, et c’est tant mieux, tant il le fait sans prétention.

« Je ne cherche pas à ce que les gens soient d’accord avec moi. Mais je dis toujours : même si vous pensez ne pas m’aimer, venez vous faire votre propre idée ». C’est certainement le meilleur conseil à donner, tant il est difficile de résumer en quelques lignes l’expérience vécue en direct, qui va bien au-delà d’un simple spectacle d’humour.
Par Ouest France