L’humoriste Jérémy Ferrari : "Je n’ai pas vocation à faire l’unanimité"
Avec « Vends 2 pièces à Beyrouth », le provocateur Jérémy Ferrari a fait beaucoup parler de lui et rempli les salles. Il sera vendredi à Mérignac. Interview
Quinze ans de carrière, des sketchs remarqués sur M6, France 2 ou C8, un humour noir qui l’a amené à parler de l’obésité, du suicide ou de l’extrémisme religieux , et des passes d’armes avec Manuel Valls ou Christine Angot : Jérémy Ferrari est un professionnel de la provocation. Le titre de son dernier spectacle, « Vends 2 pièces à Beyrouth », le confirme. A voir ce vendredi à Mérignac.
Vous avez écrit vos premiers sketches à 16 ans. Avec quoi faisiez-vous rire à cet âge-là ?
Jérémy Ferrari : Je donnais des reprises de sketches connus et deux ou trois textes personnels. L’un deux s’appelait « Éloge relationnel ». C’était sur les relations homme-femme, un thème que je n’aborderai plus dans ma carrière, c’est promis. A l’époque cela me semblait original. J’avais déjà un sketch sur le racisme, un autre sur une belle famille ou je parlais de l’homophobie. Plus tard, à 18 ans, je parlais déjà de sujets lourds dirigés grosso-modo contre toutes les formes d’intolérance.
Aujourd’hui, vous mettez vos spectacles en scène vous-même ce qui est assez rare…
J’ai toujours fait ça, je trouve que la mise en scène pour les one-man-show est inutile. J’ai un œil extérieur cela dit, mon camarade et ami Michaël Youn qui m’aide aussi à l’écriture. Comme j’écris mes textes, je sais ce que j’ai à faire pour les dire et je veux aussi conserver une part de jeu avec le public, sans un cadre trop strict, avec une part d’instinct. Bien sûr il y a des règles, mais selon moi elles ne doivent pas priver de spontanéité.
On a l’impression que vous ne faites rien comme les autres…
Il n’y a pas de méthodologie pour l’humour, même si maintenant il y a des écoles de one-man-show. C’est la chose qui me fait le plus rire au monde. Il y a des hommes sur cette terre qui sont professeurs d’humour ! Il y en a plusieurs à Paris. Les professeurs sont d'illustres inconnus, qui, visiblement, possèdent ce don de rendre les autres drôles. C’est sans doute leur meilleure vanne. Ils ne pourront jamais être plus drôles qu’avec ça. L’humour ne doit pas être trop propre, le public change chaque soir, le spectacle aussi. Il ne faut pas trop codifier et ne pas oublier que l’humoriste joue au ping-pong avec l’audience.Pour vos derniers spectacles sur la religion et sur la guerre vous avez effectué un long travail de recherche. Comment cette curiosité a t-elle débuté ?
J’ai arrêté l’école très jeune. Ma mère me faisait lire un peu, mais je lisais plutôt des témoignages, des trucs de Bellemare, etc. J’ai commencé à avoir des complexes et je me suis penché sur la philosophie, qui m’a amené à lire les grands textes religieux en prenant des notes. J’avais le sens de la répartie, mais je manquais d’arguments. Alors j’ai beaucoup lu pour pouvoir répondre sans dire n’importe quoi. J’ai appris dans Platon qu’on pouvait admettre l’argument de l’autre au lieu de le contredire, pour mieux le réfuter. A ma vivacité j’ai ajouté des arguments. J’en avais besoin pour comprendre que la vérité est une question très relative. Il y a des avis, des opinions, des points de vue. Je ne critique que ce qui fait du mal. Pour moi, l’important dans la manière de penser des gens c’est qu’elle n’affecte pas la liberté de penser des autres.
"Je ne critique que ce qui fait du mal"
Pourtant des spectateurs quittent la salle pendant votre spectacle. Cela vous fait quoi lorsque les gens partent au milieu d’un sketch ?
J’ai toujours eu conscience d’être un provocateur. Je fais des arts martiaux depuis l’âge de 6 ans et je sais qu’on ne monte pas sur un ring sans prendre des coups. C’est un spectacle dur, je n’ai pas vocation à faire l’unanimité. Je fais mon métier. Gad Elmaleh, soit on l’aime, soit on l’ignore. Moi, on m’aime ou on me déteste. C’est bon signe. Je ne laisse pas indifférent.