L’humoriste Jérémy Ferrari sur la scène du centre Yves-Furet de La Souterraine

08/01/2018

Après la religion, Jérémy Ferrari s’attaque à la guerre et vient lâcher sa bombe d’humour sur la Souterraine, jeudi.


En 2016, vous avez joué à Limoges mais la Creuse vous connaissez ?

"Oh oui je connais la Creuse ! C'est la troisième et dernière année de tournée donc je voulais vraiment aller dans des endroits où on n'était pas forcément allés, des endroits plus intimistes, plus petits, un peu moins visités." 

La dernière tournée c'était pour « Hallelujah bordel » et il était question de religion. Pour « Vends 2 pièces à Beyrouth », vous avez choisi de parler de la guerre…

"Je choisis toujours des thèmes qui me viennent un peu comme ça, par instinct. La religion, c'était une période où je sentais qu'il y avait beaucoup de discussions, de débats sur les religions en France donc j'ai voulu m'y intéresser. Et puis il y a eu le printemps arabe et j'ai remarqué qu'Internet avait impacté le monde d'un point de vue géopolitique. Les gens commençaient à se poser des questions sur ce que les dirigeants, nos dirigeants, avaient fait à l'étranger dans le passé, ce qu'ils y font encore. J'ai commencé à creuser le sujet et je me suis dit que ce serait un chouette thème de spectacle. Ca me permet de me documenter énormément, d'avoir un propos qui n'est pas gratuit et qui est surtout différent."

❝ La limite c'est toujours d'être aussi drôle que choquant. ❞

Vous vous documentez énormément pour chaque spectacle, vous dites d'ailleurs souvent que « le pouvoir, c'est le savoir ».

"Il y a une dizaine d'années, je criais fort mais je ne disais pas forcément grand-chose. Avec le temps, je me suis rendu compte que chuchoter quelque chose de solide avait beaucoup plus d'impact que de crier une colère vide. On est dans un système éducatif, politique, qui laisse penser aux gens que l'information est souvent trop compliquée pour eux. Le but de ce spectacle c'est aussi de dire aux gens : on nous a caché plein de trucs en nous faisant croire qu'on ne comprenait rien, et ben regardez, c'est pas si compliqué que ça. C'est pour ça que je dis souvent que le savoir c'est le pouvoir parce que je pense qu'on divise aussi le savoir pour diviser le pouvoir, diviser pour mieux régner c'est très vrai et ça ne concerne pas que les gens."

Tout y passe dans le spectacle, les kamikazes, Ben Laden, Daech, les attentats… Y a-t-il une ligne rouge dans le rire ?

"C'est une question qu'on pose depuis trente ans et qu'on posera encore dans trente ans parce qu'on ne peut pas y répondre. Il n'y a pas de vérité absolue sur quelque chose comme l'humour, c'est tellement subjectif. Ma ligne rouge, c'est de ne pas arriver à faire rire. Pour ce spectacle, j'avais beaucoup plus que de matière que pour juste faire un spectacle d'1 h 45. Le choix s'est fait sur ma capacité à rendre le sujet drôle. Si j'ai deux faits très scandaleux et que j'en ai un qui l'est plus que l'autre, je ne vais pas forcément le choisir, je vais choisir celui que j'arrive à rendre le plus drôle. La limite c'est toujours d'être aussi drôle que choquant."

Est-ce qu'on écoute mieux quand on rit ?

"Oui. Je pense que si un ado de 15 ans vient voir le spectacle, il retiendra à mon avis plus de choses sur l'histoire en deux heures qu'en un an de cours dans sa classe. Je fais en sorte que les gens aiment ce que je fais, c'est une question que l'Éducation nationale ne se pose pas ! Elle ne se demande pas comment elle va faire pour remplir les classes ! (rires) On devrait laisser les élèves choisir leur classe en fonction des profs et les subventionner en fonction. Peut-être qu'ils seraient plus attentifs et travailleraient la forme de ce qu'ils leur disent !"

On vous compare souvent à Desproges, ça vous flatte ?

"Bien sûr parce qu'il fait partie des gens qui m'ont donné envie de monter sur scène. Je pense que je suis très différent dans la forme. Il avait ce langage très châtié, fouillé, c'était un vrai intellectuel, je connais moins de mots que Desproges (rires). Mais dans le fond du propos, je pense qu'effectivement on est assez proches. J'aime autant Desproges sur scène qu'en interview, c'est quelqu'un qui a une analyse sur le monde et la vie qui est d'une justesse redoutable, on a rarement eu un artiste français si objectif et si lucide, ses analyses sont passionnantes…"