L’Interview : Jérémy Ferrari
Doté d’un humour noir ravageur qui tape là où ça fait mal, Jerémy Ferrari entretient intelligemment son côté provocateur dans son spectacle Hallelujah Bordel.
De quelle manière avez-vous construit votre one man show Hallelujah Bordel ?
Je suis parti du principe qu’on est tous plus ou moins influencé par la religion. Mais en général, on connaît toujours le début de l’histoire, jamais la chute : c’est à ça que je me suis intéressé.
C’est un spectacle hyper provoc’, hyper noir, qui s’appuie sur les textes de la Bible, du Coran, de la Torah, sur des faits d’actualités également. On n’a pas besoin de s’intéresser à la religion pour en rire. Il y a vraiment des passages très burlesques. J’amène les textes sur scène et parfois, je les fais lire aux gens parce qu’ils ont du mal à y croire. Quand je commence à raconter l’histoire en entier, certains hallucinent.
En fait vous pouvez remercier les prophètes, qui ont écrit votre spectacle au final…
C’est vrai, je devrais reverser une partie de mes cachets aux divers établissements religieux… Mais pas aux juifs, ils ont déjà assez d’argent !
Ce côté provoc’ vous a-t-il valu des problèmes ?
J’ai eu quelques soucis avec des prêtres et des imams. On m’a même lancé des cailloux une fois ! Mais je tiens à préciser que tout est vrai dans ce que je dis, je n’ai rien inventé, les textes que j’utilise sont certifiés, donc si ça leur pose problème, c’est qu’ils remettent en cause des versions qu’ils ont eux-mêmes acceptées.
Comment avez-vous rejoint le casting de On ne demande qu’à en rire (Ondar) ?
J’ai tout simplement été appelé pour participer à l’émission et j’ai accepté, mais à la condition d’avoir une liberté totale pour les sketchs. C’est un conte de fée, personne ne voulait de moi avant. Apparemment, mes blagues sur les Arabes, ça ne faisait pas rire…
Vous déclarez que les injustices vous énervent ; vous n’êtes pas un vrai méchant alors ?
Non, je n’aime pas beaucoup la méchanceté gratuite. En fait, je ne suis méchant que lorsque je suis payé. Mais j’aime bien discuter avec les gens méchants, les cons.
Que pensez-vous des réactions autour de Charlie Hebdo et du film L’Innocence des musulmans ?
Pour ce qui est du film, il a été réalisé par un crétin islamophobe et il est tellement nul que je ne comprends pas comment on peut le prendre au sérieux. Mais malheureusement, un groupe le prend au sérieux, et ils sont aussi stupides les uns que les autres.
Quant à Charlie Hebdo, je trouve excessif d’avoir brûlé les locaux. Le problème n’est pas de dessiner le prophète Mahomet, le problème, ce sont les malades qui tuent pour un dessin. Et tant qu’il y en aura, il faudra continuer à dessiner. Pour leur deuxième couv’ avec Intouchables, ils ont un peu tiré sur la corde. La série était moins drôle que provoc’ et là, ça me gêne. Charlie Hebdo reste pour moi un exemple de liberté d’expression, mais il n’y avait pas besoin de forcer le trait.
Avant d’être connu, vous colliez au type « artiste bohème »…
La vie de bohème, c’est bien quand elle est juste onirique. Je viens d’un milieu modeste et ne vraiment pas avoir d’argent, c’est galère. Avant de vivre de la scène, j’ai dû faire plein de petits boulots : manutentionnaire, serveur, videur… J’ai même fait le groom avec la tenue de Spirou intégrale !
En parlant de galère, vous auriez un conseil pour les trois millions de chômeurs ?
Je crois qu’il ne faut pas trop attendre des autres, des politiques notamment, ce ne sont pas des magiciens. Personnellement, je suis apolitique, je ne trouve pas que ça soit une bonne idée de donner du pouvoir aux gens qui le veulent ou à ceux qui ne font pas partie du peuple.
On vous aurait pourtant bien vu en président…
Certainement pas ! Encore une fois, je suis apolitique et puis le dernier humoriste qui a voulu essayer, il a eu quelques problèmes…
Propos recueillis par Aileen Orain pour Journalventilo.fr