Le phénomène Jérémy Ferrari, un as de la provoc qui fascine... et dérange

04/02/2016

Depuis son accrochage avec Manuel Valls dans « On n’est pas couché », Jérémy Ferrari, en tournée dans toute la France, séduit, fascine ou déroute…


Son passage chez Laurent Ruquier semble l’avoir mis en orbite. Invité sur le plateau d’On n’est pas couché le samedi 16 janvier, l’humoriste Jérémy Ferrari a fait sensation en faisant face au Premier ministre Manuel Valls. Un léger accrochage qui a fait couler beaucoup d’encre, mené à une petite crise diplomatique avec le Gabon, mais surtout mis en lumière un artiste engagé, et corrosif.

Depuis, nombreux sont ceux à s'intéresser à lui et à être séduits par le phénomène. Scènes parisiennes complètes, dates supplémentaires et plus de 50.000 places vendues avant le début de la tournée de son spectacle Vends 2 Pièces à Beyrouth, Jérémy Ferrari attire les foules. Certains crient au génie, d’autres à la provocation gratuite. Lumière sur ce poil à gratter de taille, qui fascine autant qu’il divise.

Le roi de la provoc ?

« Pour arriver à rendre un événement horrible, absurde, il faut pousser encore plus l’horreur. C’est mon travail de prendre ce risque et de me lancer quoi qu’il en coûte ». L’humour noir poussé à l’extrême, voilà le credo de Jérémy Ferrari, tel qu’il l’a expliqué à 20 Minutes. Découvert par le grand public dans l’émission On n’demande qu’à en rire sur France 2, à laquelle il a participé de 2010 à 2012, le – relativement — jeune humoriste (30 ans), a très vite imposé sa patte. Et il ne donne pas dans le tendre. Son spectacle précédent, Hallelujah Bordel !, se frottait à la religion. Son nouveau show, Vends 2 Pièces à Beyrouth, s’attaque à la guerre, au Bataclan, à Daesh, et à Action contre la faim (liste non exhaustive). Au point de simuler en première partie de soirée, cash, une éventuelle attaque terroriste, et à rigoler du probable sacrifice d’une partie du public. Ames sensibles s’abstenir. Ou plutôt, non. Car Jérémy Ferrari sait réellement faire rire de l’horreur. « Le rire qui est en salle est vraiment libérateur, je pense que ça dédramatise et que ça enlève certaines peurs », analyse-t-il. Soigner le mal, par le mal.

Un monstre sans cœur ?

« Si je traite de tous ces sujets, ce n’est pas parce que je suis insensible, c’est complètement l’inverse », explique l’humoriste, « je ne fais pas de peinture ni de sculpture, mais de l’humour noir, alors ma manière à moi de rendre hommage en tant qu’artiste, c’est d’en parler ». N’allons pas jusqu’à dire que ce maître du cynisme est un enfant de chœur, mais il faut lui reconnaître une bonne dose d’empathie. Et la rage d’en découdre. « L’injustice m’a toujours mis très en colère », admet-il, « ça vient peut-être du fait que j’ai grandi dans un quartier populaire (à Charleville-Mézières dans les Ardennes), là où on voit de tout : de la solidarité, du courage, mais aussi des gens qui sont écrasés par la vie ». L’injustice. Une problématique qui semble obséder l’humoriste, et qui émane de son spectacle, de ses sketchs, mais aussi de ses séquences beaucoup plus dramatiques, qualifiées par certains de 《logorrhées démagogiques》. Car sur scène, Jérémy Ferrari s’égosille et amuse la galerie du ridicule des combattants de Daesh, mais tacle également le système, les puissants… et les ONG. « Je ne me vois plus ne pas prendre de risques pour les gens et ne pas dénoncer », reconnait-il avec détermination et gravité.

Politiquement incorrect ?

« J’emmerde ce pays, ses dirigeants et ces soi-disant démocraties qui te laissent le choix entre un crétin totalement à l’ouest, la fille d’un ancien tortionnaire d’Algérie et un mégalo corrompu par les plus grandes pourritures de cette planète. J’emmerde d’avance les prodémocrates qui me diront que voter est un devoir », clame Jérémy Ferrari en clôture de spectacle. En comparaison, le « clash » chez Ruquier, c’est du pipi de chat. « Quand j’ai parlé à Valls, ce n’était pas l’humoriste qui parlait, mais le citoyen », précise-t-il. « C’est un employé du peuple à qui j’ai le droit de parler car jusqu’à preuve du contraire, c’est en partie mes impôts qui le payent ». Un petit côté sale gosse, mais pas seulement.


« Il y a beaucoup trop de gens qui réfléchissent trop, et peu dans l’action. Un politique ne répond jamais, et fait très peu de chose », déclare-t-il. L’une des raisons pour lesquelles, lui, sur scène, il donne tant : « J’essaye de faire en sorte que les gens n’ont pas l’impression qu’on se soit foutu de leur gueule ». Et ils en ont pour leur argent, car s’il ne fera pas l’unanimité, Jérémy Ferrari vaut le détour. Si l’appeler le « nouveau Desproges » est peut-être encore prématuré, il faut avouer qu’il a du cran.